Au vu de l’explosion du nombre d’émissions de cuisine programmées sur les écrans télé, les radios et la quantité impressionnante de sites à thèmes culinaires (en arabe et en français), on pourrait croire et même conclure que le Tunisien se serait entiché de cuisine, qu’il serait même pris de passion pour l’art des fourneaux.
Toutes les chaînes ont désormais leur chef et l’équipe (ou le comparse) qui l’accompagne, le relance et l’aiguillonne pour mener son exercice sans incident.
Ces émissions sont «grand public», elles sont donc soumises à un seul critère : le baromètre de l’audimat. Mais on peut leur reprocher au passage d’enliser les spectateurs (grand public) dans un abîme d’images, de propos souvent ineptes, de discussions oiseuses et surtout de précipiter «le client» dans une jungle de marques et d’étiquettes qui donnent le tournis ou…la nausée.
Amateur de cuisine, piètre consommateur de télévision (surtout tunisienne), à un moment, non sans masochisme, je me suis assigné à regarder et à essayer d’examiner de près quelques-unes de ces émissions de cuisine ; qu’en ai-je déduit ?
Choqué par l’absence de contrôle des autorités sanitaires ou de la fameuse Haica (un machin, sans effet) qui n’ont jamais exigé d’apposer un quelconque écriteau (une insertion) de prévention contre l’abus de gras, de salé et de sucré, etc. (je l’avais dit sur ces colonnes, je le répète). Rappelons que ces produits sont responsables de plusieurs maladies chroniques. Depuis des décennies, les responsables des chaînes télé des pays occidentaux les ont obligées à accoler des textes de prévention. Le mois de Ramadan n’est pas loin, l’alimentation va être le centre des occupations, des discussions, l’alpha et l’oméga du quotidien, la prévention va-t-elle suivre ?
Abasourdi par l’usage des promotions ; toutes les émissions chauffent sur les feux de la publicité, mitonnent dans les casseroles des sponsors et des annonceurs ; les produits alimentaires, les services de tables, les vaisselles, les matériels de cuisine, les produits de lessive, les jus et les boissons gazeuses et de tous les fabriqués en rapport avec la table inondent et saturent les écrans jusqu’à plus soif. Ce n’est plus une émission sur un écran télé qu’on nous présente, mais un marché ouvert où tous les produits sont exposés, flattés, emballés dans un discours aguicheur où les superlatifs tiennent le haut des qualificatifs.
Consterné par l’uniformité de la mise en scène, il m’a semblé que les chefs, combien nombreux ont acquis une façon de faire interchangeable, absence d’humour, les mêmes plans (champs contre-champs) etc.
A la télévision, la cuisine a le vent en poupe, tant mieux pour les chefs qui y ont accédé. Une question taraude le spectateur commun : ils travaillent où ces chefs connus et adoubés par le grand public, y a-t-il parmi eux qui gèrent des restaurants à leur compte ? La plupart d’entre eux enseignent dans des écoles, d’autres travaillent dans les chaînes hôtelières alors que beaucoup cuisinent pour des événements. Les chefs qui possèdent ou gèrent leur propre restaurant se comptent sur les doigts d’une main. Pas de risque !
N’oublions pas que le bon client (exigeant) va au restaurant pour la qualité de la cuisine et la renommée de celui qui la prépare et s’en porte garant.
Chef de cuisine et vedette de télé ?Jean Ferniot, éminent critique et écrivain gastronomique, répond par anecdote cocasse : «Voir le chef ! Impossible monsieur, il est à Apostrophes ! (ancienne émission littéraire de Bernard Pivot»
Ps. Les associations gastronomiques se multiplient en Tunisie, la dernière, née en 2022, L’Association des disciples d’Escoffier Tunisie, organise pendant trois jours (du 25 au 27 janvier) à Gammarth, un chapitre sur la cuisine amazigh. A la bonne heure !